Les inséparables by Dominique Missika

Les inséparables by Dominique Missika

Auteur:Dominique Missika [Missika, Dominique]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Biographie, World War II
Éditeur: Le Seuil
Publié: 2018-10-02T22:00:00+00:00


TROISIÈME PARTIE

Trois jolies filles

* * *

L’avenir des trois sœurs est loin d’être assuré. Elles ont 22, 21 et 18 ans, et une page blanche à écrire. Le fameux « repartir de zéro » les condamne à imaginer une vie future sans parents : « Tout ce que nous possédions avant avait été pris par les Allemands lors de notre arrestation, y compris nos vêtements, racontera avec beaucoup de tristesse Simone, les premiers temps, nous avons dû vivre d’emprunts et de dons. »

Dès le mois de juin 1945, le ministère de l’Éducation nationale prend une série de mesures en faveur des étudiants victimes de la guerre, accordant certaines facilités pour les inscriptions universitaires, des bonifications de points ou prévoyant le recul de certaines limites d’âge, l’attribution de bourses ou d’exonération totale de droits d’études. Les trois sœurs sont dans ce cas et bénéficieront d’une bourse. Au camp, leur mère leur répétait : travaillez, gagnez votre vie, faites des études. Elles l’écouteront.

À peu près rétablies, au moins physiquement, les trois sœurs sont courtisées. Il faut dire qu’elles sont fort jolies. Elles ne passent pas inaperçues. Des traits réguliers, des yeux clairs, semblables au premier abord, aux nuances différentes. Ceux de Simone, la cadette, sont pers, ceux de Denise comme de grands lacs profonds et tranquilles. Les yeux de Milou, l’aînée, plus sombres et plus tristes. Denise est la plus blonde, Simone a gardé ses longs cheveux, et ceux de Milou repoussent. Au fur et à mesure, elles se débrouillent pour s’habiller mieux, récupèrent à droite et à gauche des jupes souvent courtes faute de tissu, faites de patchworks, et se contentent de chaussures à semelles de bois. Si elles dorment d’un sommeil douloureux, peuplé de cauchemars qui les réveillent, elles n’en disent rien. Ceux qui les entourent les aiment, les embrassent, leur parlent, mais de tout autre chose que du camp. Du ravitaillement, des prix exorbitants des fruits et des légumes, des procès de l’épuration, du manque de logement, de la pénurie d’essence. On leur fait remarquer que tout le monde est malheureux.

Simone connaît mal Paris, elle ne sait pas comment goûter à la liberté qui s’offre à elle. Où est sa place ? La guerre l’a privée des amourettes de gamines. Ses parents la trouvaient effrontée, l’était-elle vraiment ? Ils lui manquent. Un jour, elle va chez le coiffeur pour la première fois de sa vie. On la met sous un casque, elle se laisse guider. Au bout d’un moment, on vient s’occuper d’elle. Ses cheveux ont brûlé à certains endroits. « Pourquoi n’avez-vous pas appelé ? » lui demande la coiffeuse. Allait-elle lui dire d’où elle venait ?

On l’invite à quelques soirées de jeunes. Elle ignore comment se comporter. Comment s’amuser quand il y a peu la soif la tenaillait à Bergen-Belsen ?

D’un tout autre tempérament, Denise, elle, choisit de s’étourdir. La mort de son cousin l’a rendue « vide », rien n’a plus de sens. Cela sera, selon ses mots, une après-guerre « folle ». C’est elle qui sort le plus, elle l’avoue, elle « vagabonde ».



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.